Qui bénéficie du régime de retraite au décès ?

Joseph est décédé le mois dernier. Jusqu’au moment de son décès, il contribuait à un régime de retraite assujetti à la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. À la suite de son divorce il y a deux ans, Joseph avait fait un testament laissant le produit de ce régime à ses deux filles. Il s’est marié avec Marie il y a quelques mois. Qui bénéficiera de l’argent accumulé dans son fonds de retraite?

Votre premier réflexe est très certainement d’attribuer le fonds de retraite aux deux filles de Joseph puisque ce dernier l’a spécifiquement prévu dans son testament. Mais il faut en premier voir la loi qui s’applique au fonds de retraite.

En vertu de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, si le décès du contribuant est survenu après le 31 décembre 2000, alors l’intégralité de la prestation du régime de retraite est attribuée au conjoint survivant.

Cependant un article de la Loi permet au conjoint de renoncer à ce droit à la prestation, et ce en tout ou en partie, permettant ainsi au contribuant d’accorder ce même droit en totalité ou en partie, à quelqu’un de son choix par son testament. Cette renonciation peut être faite par le conjoint avant ou après le décès du contribuant et doit être transmise par écrit à l’administrateur dudit régime de retraite.

Dans notre exemple, si Marie refuse de renoncer aux avantages que la Loi lui procure, et refuse de renoncer aux prestations, peut-on faire valoir que les volontés du défunt sont supérieures aux dispositions de la Loi?

Au Québec, le Code civil accorde une très grande importance aux volontés du défunt. Le législateur a refusé d’imposer des héritiers au défunt, c’est ce dernier qui a la priorité pour choisir ses héritiers.

Cependant le législateur, lorsqu’il a mis en vigueur les règles du patrimoine familial et d’autres dispositions législatives en vue de favoriser l’égalité économique des époux, a clairement manifesté son intention de donner priorité aux dispositions veillant à favoriser la protection financière du conjoint survivant. La loi sur les régimes complémentaires de retraite a été adoptée dans cette optique.

En conséquence, cette Loi est dite d’ordre public, c’est-à-dire que les individus à qui elle s’applique ne peuvent pas décider de s’y soustraire, à moins que la Loi ne le permette de façon explicite.

Dans notre exemple, la Loi permet à Marie de renoncer volontairement aux prestations du régime de retraite, mais elle ne lui impose rien. Si cette dernière désire conserver le produit des prestations, et ne pas renoncer en faveur des filles de Joseph, on ne peut rien y faire. Les volontés de Joseph sont contrecarrées par les dispositions de la Loi.

Le présent exemple démontre bien qu’il faut s’interroger dans le cas d’un décès lorsque le conjoint, marié ou ayant contracté une union civile avec le défunt, survit à ce dernier et que le défunt a légué tout ou partie de ses biens à d’autres personnes.

Il n’y a pas que le testament qui soit en cause, il faut examiner l’effet du partage du patrimoine familial, l’effet du partage du régime matrimonial et des clauses du contrat de mariage, s’il y a lieu, et surtout il faut examiner les lois connexes pouvant s’appliquer telle la Loi sur les régimes complémentaires de retraite,les dispositions légales au régime des rentes du Québec et les désignations contenues aux polices d’assurance et aux régimes de retraite.

Alors attention ne faites pas des conclusions trop rapidement, vous pourriez être amèrement déçu(e)(s).

Claudine Monette, notaire

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